SainteLyon 2007 :
Je vous propose ici une interview de Eric Legat, second de cette Saintélyon 2007, réalisée pour le site www.kairn.com qui a en outre fait une page, et des photos sympas sur la course.
L'interview est également visible ici et agrémentée d'autres photos.
Quelques photos ici
Le départ ici
L'interview :
Comment s’est passée la course ?
Bien, très bien même, surtout quand au départ je ne suis même pas sûr d’arriver au bout suite à un mollet récalcitrant qui m’a fait couper pendant 15 jours avant la course. Du coup j’avais du jus !
Sur la course ? Je m’étais imposé de partir doucement, ou du moins à mon propre rythme. Par conséquent, cette première portion de 16km principalement en côte fut une formalité et très facile, même si au classement j’accuse alors bien du retard en temps et en place. Qu’importe, je suis confiant et pas entamé du tout.
Ensuite 2° relais, très boueux, mais qui se passe très bien puisque sans le vouloir et sur plat et descente je rejoins le groupe des favoris (Trottet, Guichard, Rémond…) et le dépasse, surpris, car sans accélérer. Mais bon, je préfère rester à mon allure, malgré un sentiment de doute quant à laisser derrière moi, si tôt, ceux qui maintes fois ont remporté cette course et fait leurs preuves sur le trail.
Plus tard, grand moment de doute, avec une bonne baisse de régime. Je suis alors 4° et avance difficilement et pourtant plus de 35 kilomètres restent à parcourir. Philippe Rémond enfonce le clou en me rejoignant, puis me déposant. A partir de ce moment, je marche dans les portions raides, et doute de ma capacité à finir, ou prévois une galère sans nom. Au ravitaillement, celui qui venait de me dépasser est en discussion avec un groupe d’accompagnateurs, je le double donc reprends alors ma place au pied du podium. Je ne reverrai plus Philippe.
Derrière, je vois les lampes d’adversaires qui me reviennent dessus, les imaginant déjà conclure que le petit Legat est parti un peu vite… ! Je me ravitaille, mange du solide et profite d’un terrain plus facile après la côte de St-Genoux pour tenter de me refaire une santé. Au 3° relais, Ste-Catherine, je demande et prends du « coca », sûr de son effet dans les moments difficiles. Ensuite c’est un retour progressif à de bonnes sensations et la confiance qui renaît.
Le relais se passe bien, plutôt descendant, et j’avoue me faire plaisir à courir ainsi la nuit. Je savoure.
Arrivé au dernier relais, à Soucieux, j’apprends que je suis 2° !!! 2 places de gagnées, sans même le savoir. Je réalise alors que les 2 concurrents que j’ai passés et qui trottinaient doucement étaient les 2° et 3° sans doute en difficulté, et non comme je le croyais, des marcheurs partis avant et alternant course et ballade.
A Soucieux, 22 kilomètres me séparent de l’arrivée. C’est long, mais je crois alors à ma faculté d’arriver au bout et même, vu mon allure au dessus de 14km/h, à cette deuxième place qui me fait rêver. La première, je n’y songe même pas tant les écarts annoncés sont énormes (12 minutes !).
Je connais le parcours, notamment ce 4° tronçon et l’aqueduc de Beaumond qui approche. Dernière difficulté. Je choisi encore de marcher pour mieux repartir ensuite. Il faut dire que c’est vraiment raide. Mais je suis bien et motivé à vite replonger dans cette dernière descente sur Lyon, aussi attendue que salutaire !
En bas, la dénivelée, le goudron, et les kilomètres parcourus ont marqués les cuisses, mais il ne reste que 7 malheureux kilomètres. Et comme toujours, on se demande qui a bien pu alors mesurer ces foutus kilo, car bon sang, ils sont de plus en plus longs ! Mais le compte à rebours est commencé, et ça sent la ligne d’arrivée. Lyon se lève, la place Bellecour et les quais sont embrumés, mais peuplés de badauds ayant comme nous prolongé la journée de samedi, non pas en courant mais au rythme de la musique… et parfois de quelques verres bien descendus.
Qu’ils sont longs ces quais ! Et ce parc de la tête d’or qu’on longe inexorablement… A quand la fin ?
Mais déjà, la voix du speaker à l’arrivée se fait entendre. Ca y est, c’est fait, je termine l’épreuve, en 2° position, derrière un Proietto intouchable, mais devant un sacré plateau ! Car ils étaient tous là les favoris, aussi nombreux que précédés de leur palmarès, et moi, celui qui jamais n’avait été cité dans les colonnes des journaux locaux, venais de m’offrir, avec une certaine fierté il est vrai, un de mes plus beaux souvenirs.
Quelle était l’ambiance ?
Unique. « Courir la nuit, ça n’a rien a voir » ! Et bien le slogan n’est pas usurpé ! Quel départ ! Un véritable show avec son et lumière. Sur le parcours, le balais incessant de lucioles serpentant sur les pentes est également un spectacle bien particulier qui confère à cette nocturne un charme unique.
Dans le peloton, l’ambiance est bonne, mais ça discute peu devant. Les coureurs ont déjà la tête dans la course, sachant que la ligne d’arrivée n’est jamais acquise d’avance, et restent très concentrés sur le sol souvent boueux des chemins empruntés.
En tout cas, de l’intérieur, comme de l’extérieur, j’invite quiconque à vivre un départ de SaintéLyon, mais aussi une arrivée, car c’est un spectacle émouvant au possible. Il n’y a en effet que l’ultra pour transformer le passage de la ligne d’arrivée en une véritable victoire pour chacun. Viennent alors un flot d’émotions, mêlant joie et douleur, satisfaction d’avoir réussi un challenge de taille, et surtout délivrance tant attendue. Pleurs, poings serrés, bras levés, fierté ne sont alors plus l’apanage des seuls premiers.
Que penses-tu parcours ?
Long ! Mais presque mythique, en regard de l’histoire de cette épreuve reliant deux métropoles régionales, que d’ailleurs des pseudos-supporters, souvent de foot, opposent souvent l’une à l’autre sous des prétextes aussi stupides qu’infondés.
En tout cas, c’est un parcours intéressant, qui sait mêler plusieurs types de difficultés, par sa dénivelée (positive et négative), par ses chemins souvent boueux, par le bitume en faux plat descendant qui traumatise plus d’une cuisse, et puis bien sûr par sa longueur.
Tes impressions sur cette épreuve ?
Elle est à voir. Elle est à faire. Et depuis quelques années, la société en charge de la communication a réussi à la faire passer d’une classique respectable, à un événement incontournable dans le paysage athlétique régional et même français. En plus, c’est une course de ville à ville, ce qui donne à la fois du sens à l’épreuve, mais aussi un caractère aventureux plus prononcé. Un joli défi à relever.
Côté organisation, là aussi c’est assez énorme. Des bénévoles à tout va, sur le qui-vive bien au-delà de la simple durée de course, et une belle couverture médiatique. Bref, une affaire qui tourne.
Comment t’es-tu préparé pour la SaintéLyon ?
Pas comme je l’aurais souhaité ! Je me sentais fort, je visais haut, mais 15 jours avant mon mollet gauche m’a lâché et m’a imposé un repos de 9 jours, suivi de 2 footings de 6 et 10 km !
Mais plus en amont, j’ai réussi à faire une bonne préparation, avec du volume quand l’emploi du temps et la famille m’en laissaient le temps, mais je manquais de séances qualitatives. J’avais dans la tête cette SaintéLyon depuis bien longtemps, j’en faisais un objectif prioritaire, au point d’ailleurs de me désengager des Templiers, pour lesquels j’aurais été juste par manque de spécifique dans ce domaine, et par soucis d’enchaîner deux gros efforts à 5 semaines d’intervalle.
Sinon, concrètement, depuis septembre, j’essayais de faire des semaines à 100km, avec plus ou moins de réussite, et 2 en pic à 120. Ensuite j’ai quelque peu baissé en régime et ai réussit à enchaîner à nouveau 2 grosses semaines. Ensuite, on le sait, ce sont mes soucis de mollets, du repos, une reprise et à nouveau du repos forcé les 15 derniers jours.
Quelles étaient les difficultés sur cette épreuve ?
La longueur, la dénivelée, les appuis, la nuit… et des adversaires en veux-tu en voilà ! A cela s’ajoute, mes mollets limite, mon périoste inflammé 3 jours auparavant suite à 2 footings ! Bref, rien n’était gagné au départ !
Quels sont tes prochains objectifs ?
La saison des cross, que je considère comme une base essentielle pour une bonne saison estivale. De plus, ce sont des efforts que j’adore, et entrer dans l’équipe de mon club, le FAC Andrézieux, est toujours un défi à relever, face aux jeunes, qui ne se gênent pas pour me rendre la vie dure !
Ce printemps, l’objectif est à nouveau un 100km, soit les France soit l’épreuve qui servira de sélection pour l’équipe France, étant resté cette année aux portes de celles-ci. Enfin, si le calendrier le permet, j’aimerais bien refaire un autre marathon, Lyon pourquoi pas puisque la ville a l’air de me sourire, et descendre à nouveau sous les 2h30’.
Quelle place occupe le sport dans ta vie ?
Toute ! Ou presque !
Le sport, ou plutôt l’EPS est mon quotidien professionnel durant les journées de semaine, alors que le soir et les week-end, c’est au club d’Andrézieux que je consacre mon temps et ma passion, notamment en entraînant un sympathique et performant, groupe de demi-fondus. Quant à ma pratique personnelle, je cours quasiment tous les jours, et avoue avoir du mal à aller vers d’autres sports, notamment « portés », pour limiter les traumatismes, car quite à sortir, c’est toujours en courant que j’ai envie de la faire !
Comment gères-tu ton alimentation ?
Rien de bien particulier ! J’essaye de manger de tout et d’éviter les excès, mais là où je pêche énormément, c’est que je suis très gourmand. Je crains même le jour où je ne courrai plus, cela risque d’être terrible !
Sinon, je complémente par des cures de fer, de magnésium, et de vitamine C l’hiver, ainsi que de l’ACM 20 dans les périodes de fortes charges.
Pour toi quelle est une semaine type ?
Au niveau horaire, il n’y en a pas ! Ma femme court aussi 5 à 6 fois par semaine et avec nos 2 enfants, nous jonglons beaucoup. Aussi le temps de midi est souvent une bonne solution pour moi, ce qui me libère pour entraîner au club le soir, et laisser ma femme courir également.
Côté pratique, la semaine type serait : Lundi, footing et quelques lignes droites si j’ai le temps. Mardi, séance VMA. Mercredi, footing. Jeudi, footing actif au train ou côtes. Vendredi, footing, samedi, séance seuil. Et Dimanche, sortie longue.
Ton prochain rendez-vous trail ?
Difficile à dire. J’ai bien aimé l’Aubrac l’an passé, même si 5 semaines après un 100km en 7h04’, ce fut une belle galère personnelle, malgré le cadre idyllique et l’organisation plus que sympa. J’y ai notamment appris, et à mes dépends, que le Trail est une spécificité. Qu’il demande une préparation bien ciblée, et j’avoue avoir un peu peur de perdre mes qualités de vitesse et de course nécessaires à mon objectif principal, le 100km. Bref , c’est à voir, et si choix il y a, ce sera peut-être l’Aubrac.
Rappelle-nous ton passé sportif, les différentes étapes de ta carrière.
J’ai commencé très jeunes, en école d’athlétisme, avec passage 2 ans au ski de fond pour cause de déménagement dans le Vercors. J’ai commencé à m’entraîner seulement en minime 2° année, et courais avant avec succès simplement sur mes qualités.
Ensuite, je fus un bon cadet, finaliste aux France sur 1500m, 10° au national de cross. En junior, années moyenne. Retour en force en espoir, avec une 4° place aux France sur steeple, une finale « Elite » sur la même distance, et un record de 8’53’’.
La suite reste moyenne, avec les études et d’autres intérêts, tout en maintenant un minimum athlétique. Je reprends sérieusement en me lançant le défi de faire un marathon. Je réalise alors 2h26’ à Albi, alors championnat de France de la discipline, et termine 12°.
Plus tard, suite à une blessure, je tenterai la SainteLyon en solo, me disant que puisque je suis blessé, la saison de cross est compromise, et que donc je peux participer à ce raid. Je partis à l’aventure, en footing et n’appris qu’à quelques kilomètres de l’arrivée ma place de 4°.
Retour sur l’épreuve quelques années plus tard, mais qui se solde par un abandon à Bonnand ! Abandon, qui me lancera définitivement sur le long, car c’est suite à celui-ci, et avec une telle envie de remporter cette épreuve que je choisis de faire un 100km l’été afin de me forger sur le long, et donc de revenir plus armé à la prochaine Saintélyon. Ce 100km, aux France de Belvès en 2006, est une réussite pour moi (7° en 7h43’’), mais aussi une galère qui commença dès le 55° km ! Du coup, en décembre je repars sur une SaintéLyon, et là rebelote, manque de préparation et abandon, sentant venir une autre galère !
Enfin, vient 2007, avec 2 objectifs : Les France de 100km et encore cette SaintéLyon. Pour le premier, ce sera une 4° place en 7h04’ avec au moins 80 bornes de plaisir, un régal, puis cette SaintéLyon à laquelle je termine heureux second.
A ton avis, quelles sont les qualités nécessaires pour exceller dans ta discipline ?
Au risque de vous décevoir, et malgré ma formation STAPS, mon rôle d’entraîneur, je ne parlerais que très peu des qualités physiques. Car s’il est certain qu’il en faut un minimum, c’est une qualité nécessaire mais non suffisante. Le résultat en compétition ne sera en fond et demi-fond, que la suite logique de l’entraînement. Là-dessus, pas de surprise, on ne récolte que ce que l’on sème. C’est pourquoi, et c’est d’ailleurs ce qui me permet d’émettre un avis sur un jeune qui m’est confié, je regarde avant tout 2 choses : Sa passion pour la course, son goût pour aller à l’entraînement, et enfin son mental. Et par mental, j’entends sa volonté, ou persévérance, son esprit d’abnégation, et son engagement à répondre présent dans la continuité, car en fond et demi-fond, plus qu’ailleurs, ce n’est que dans le temps et la continuité que le travail peut porter ses fruits.
Côté physique, les qualités requises pour les courses que j’affectionne, 100km et SainteLyon, ne sont pas très spécifiques. Ce sont des courses différentes du trail, où le côté technique est un paramètre important. La seule spécificité réside à mon avis dans la nature des sols bitumeux, qui plus est en faux-plat descendant, et qui peuvent marquer un néophyte. Pour le reste, des qualités d’endurance sont essentielles, même si je ne suis pas un fana des gros volumes hebdomadaires, alliées à un développement de
Quels sont les qualités et défauts en rapport avec le sport ?
Commençons par les défauts, c’est plus simple ! Et le premier qui me vient à l’esprit, ce sont les différentes déviances, à commencer par le dopage, intolérable et insupportable à mon sens, ainsi que tous les excès liés à sa pratique et à son entourage : pratique outrancière, trop intensive ou trop spécifique notamment chez le jeune ; supporters qui n’ont rien à faire avec le milieu sportif ; parents trop pressants vis-à-vis de leurs enfants ; sommes d’argent indécentes mises en jeu dans les sports médiatiques.
Quant aux qualités, elles sont nombreuses pour peu que tout soit cadré. Elles sont bien entendu physiques et donc en rapport à la santé, en terme d’entretien ou de développement de la condition physique. Mais les vertus du sport et les bénéfices que l’on peut en tirer sont pour certains immédiats et conscients, notamment le plaisir de pratiquer, l’épanouissement personnel ou la réalisation de soi, alors que d’autres sont plus sournois et influent sur la personnalité même de l’individu ; Volonté, esprit d’équipe, détermination, confiance en soi, remise en question, goût de l’effort en rapport avec le mérite… et j’en oublie. Bref je suis un convaincu des bienfaits du sport… maîtrisé.
Quel est ton meilleur souvenir en trail ?
Vu mon passé sur ce genre d’épreuve, c’est sans aucun doute la SaintéLyon, si l’on peut la qualifier de Trail !
Comment gères-tu ton stress en période de compétition ?
D’aucune façon particulière. Selon l’importance de l’événement, je suis plus ou moins concentré, mais après près de 30 ans de départs de toutes sortes, j’avoue que ceux de l’ultra se font de la plus simple des façons, la seule difficulté n’étant pas de se placer mais de se freiner !
Quelles sont pour toi les disciplines complémentaires à ton sport, et pourquoi ?
Il y en a plusieurs, et les résultats obtenus par les divers athlètes dans l’ultra ou le trail, qu’ils soient orienteurs, triathlètes, cyclistes, skieurs et parfois multisports ou « raider », le prouvent. Le paramètre volume étant important, il me parait très intéressant de faire appel à d’autres sports « portés », en complément d’un minimum de course, car le jour venu, il faudra bien que les muscles aient en mémoire les effets de centaines de foulées répétées.
Personnellement, et malgré ce constat d’utilité, je reste un coureur dans le coeur, et aurai toujours plus envie de sortir courir, que de faire de la randonnée ou du cyclisme. Seul le ski de fond arrive donc à me faire poser mes baskets !
Que retiens-tu de cette saison ?
Si l’on entends par saison, l’année 2007, alors le bilan est très positif. J’avais 2 objectifs, le France de 100km et la SaintéLyon, avec il est vrai, l’Aubrac au passage. Au final, j’ai donc réussi à me faire très plaisir sur les deux premiers, et à y réaliser les résultats escomptés. Pour l’Aubrac, je tire l’enseignement que les 5 semaines de récupération après un gros objectif ne sont pas suffisantes… pour moi !
Côté compétition, je commence donc à réellement aimer ses longues distances, mais aussi l’entraînement qui l’accompagne. Je remarque aussi que je progresse dans la connaissance de certains paramètres essentiels, tels la gestion des allures, de l’alimentation, des coups durs. Bref, j’avance, j’apprends encore, et ai beaucoup d’objectifs qui me motivent pour la saison prochaine.